LibreOffice

libo L’Adte a entendu l’auteur parler de LibreOffice, lors de la journée internationale du logiciel libre, à Québec, en 2013. Un discours serein, limpide, riche d’informations et de réflexions, un discours d’expert qui met en valeur les capacités de la suite bureautique libre et gratuite, mais non moins complète, qu’est LibreOffice.

Logilbre reproduit ici une entrevue avec Raymond Ouellette du journaliste François Huot, parue en 2012, pour sa valeur intrinsèque et aussi parce que la question de LibreOffice est actuelle : c’est au printemps 2015 qu’un appel d’offres doit être fait dans l’enseignement supérieur québécois pour une suite bureautique, dans un contexte législatif où il y a obligation de « considérer le logiciel libre au même tire que les autres logiciels ».

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Quelles sont les composantes de la suite bureautique LibreOffice?

LibreOffice (LO) a 6 modules (ou composantes) qui se partagent pas moins de 90 % du code de la suite : c’est dire que l’intégration est bonne!

On retrouve :

  • un traitement de texte [Writer]
  • un tableur [Calc]
  • un éditeur de présentation [Impress]
  • un éditeur de dessin vectoriel [Draw]
  • une base de données [Base]
  • un éditeur de formules mathématiques [Math]

 

Une intégration que la concurrence n’a pas…

Quelles sont les forces de LibreOffice?

Sa convivialité, sa stabilité, sa puissance et son choix de format de fichier (natif, en importation et en exportation) sont ses plus grandes forces. Si LO est née en septembre 2010, elle provient de la suite OpenOffice.org qui elle-même découle de la suite StarOffice qui existait déjà en 1985. Ses programmeurs, dont le noyau dur travaillait pour OpenOffice.org, ont une longue expérience.

LibreOffice utilise le format OpenDocument1 comme format de fichier natif : un format normé ISO et qui garantit la pérennité, l’interopérabilité et la sécurité des documents. Le format assure également une indépendance par rapport à tout autre éditeur de suite bureautique; en effet, lorsqu’un éditeur propriétaire (ou commercial) cesse de supporter un format de fichier, l’utilisateur risque de perdre des données. Citons comme exemples les formats Word 2.0 ou WordPerfect…

Si sa convivialité est une force (la suite semble facile d’approche), elle est aussi une faiblesse car, lorsqu’on aborde LO comme si c’était la concurrence, on évacue sa puissance principale : les styles. On peut, et on doit, utiliser les styles (à l’aide du styliste – F11) dans tous les modules de la suite pour en profiter au maximum.

Les styles permettent une uniformisation des documents, une automatisation et des éditions/corrections professionnelles à une vitesse inégalée. Non, la concurrence n’offre pas autant de possibilités ni de souplesse avec ses styles.

LO est aussi multiplateforme : son interface et son fonctionnement sont identiques sous Windows, sous Linux ou sous Mac OS-X. Un document créé dans n’importe lequel de ces environnements sera identique et interopérable dans un autre.

LibreOffice et Microsoft Office sont compatibles; mais qu’entend-on par cela? Jusqu’où va cette compatibilité ?

LibreOffice sait ouvrir des documents créés avec la suite MsOffice; mais il sait aussi créer ou éditer des documents qui peuvent être sauvegardés dans un des formats de MsOffice. Les filtres import/export de LibreOffice savent manipuler une grande quantité de formats de fichier; il n’est d’ailleurs pas rare d’être capable d’ouvrir dans LO d’anciens documents MsOffice que les versions plus récentes de la suite bureautique de Microsoft ne savent même plus ouvrir elles-mêmes !

L’utilisation des styles est ce qui permet le meilleur passage de LO vers une suite concurrente. L’import/export est-il parfait ? Parfois… Pour être parfait il faudrait que votre document soit indépendant des périphériques de sortie, c’est-à-dire que son rendu ne dépende pas de votre imprimante, de votre écran, voire de votre système d’exploitation. Aucune suite bureautique n’est indépendante2 des périphériques : c’est ce qui explique pourquoi le document que vous avez tant fignolé et qui se termine au bas de la page 7 se terminera plutôt au haut de la page 8 une fois imprimé ailleurs. Tout document bureautique affiché ou imprimé l’est selon les polices d’écran installées et selon votre imprimante.

Ce qui est présent dans la suite MsOffice se retrouve dans LibreOffice :

  • le traitement de texte Writer est plus puissant, plus souple et plus stable que la concurrence (en entreprise, jouez avec la langue des polices pour basculer le formatage des tableaux d’une langue à l’autre, avec le texte conditionnel caché, avec les styles et les cadres liés…) ;
  • le tableur Calc s’utilise comme son concurrent et les formules de la concurrence sont toutes présentes (Calc en a même davantage). Il peut être plus lent dans certaines situations ou plus rapide dans d’autres. L’utilisation des styles et des langues permettent un formatage professionnel et des possibilités d’impression (changement d’orientation, changement de format de papier, etc.) inégalées, en une seule opération, sur des onglets multiples. Les macro commandes VisualBasic de Microsoft peuvent fonctionner si elles ne sont pas spécifiques à des fonctions uniques de la suite concurrente ou à un autre système d’exploitation ;
  • le logiciel de présentation Impress ressemble à la concurrence, mais l’intégration des textes, des tableaux ou des dessins vectoriels provenant des autres modules de la suite sont plus faciles qu’avec la concurrence. Impress sait aussi exporter en pdf dynamique ou même en flash. Le module de présentation (« Presenter Console »), installé par défaut dans LibreOffice, affiche la présentation sur l’écran principal (ou le canon) et un outil de présentation avec miniature, notes, diapositive suivante, minuterie et horloge pour la personne qui fait la présentation;
  • le logiciel de dessin vectoriel n’a pas d’équivalence dans la suite concurrente, pensez ici à un mini Corel Draw ou à un mini Visio. Draw sait travailler en pseudo 3D et il offre des possibilités impressionnantes pour réaliser des graphiques complexes (au lieu de les faire dans le tableur). Il est aussi idéal pour de la documentation et pour combiner le matriciel (une saisie d’écran par exemple ou une image) et le vectoriel. En outre, son travail en multicouches (calques), verrouillables ou non en affichage, en édition ou en impression, en fait un outil d’éditique fort complet;
  • la base de données ressemble à la concurrence, mais elle nécessite un certain apprentissage. On peut importer des bases MsAccess dans Base, mais seulement dans la version pour Windows de LibreOffice. La lecture de la fonction d’aide est fortement recommandée pour saisir les subtilités de Base et ses différences avec la concurrence;
  • l’éditeur de formules Math est assez intuitif à utiliser grâce à son interface graphique simple. Peu de gens savent que même la concurrence a un éditeur semblable dans son traitement de texte; toutefois LibreOffice intègre Math dans tous ses modules !
Dans une entreprise, comment organiser une bonne cohabitation entre les deux suites ?

Le secret réside dans le format des fichiers et dans une formation minimale pour comprendre les atouts de LibreOffice. N’utiliser que les formats de fichiers de MsOffice donne l’impression d’une solution adéquate à court terme, c’est vrai, mais à très court terme! En effet, elle vous force à toujours dépendre d’un unique éditeur : Microsoft.

LibreOffice utilise, nativement, un format de fichier nommé OpenDocument3, norme internationale ISO, un vrai bijou ! Le format ne dépend d’aucun éditeur commercial, est bien documenté, sécuritaire et pérenne. Il est interopérable et de plus en plus de suites bureautiques l’utilisent nativement, même la suite en ligne GoogleDocs! Les possibilités étant supérieures avec le format natif OpenDocument, il y a toujours des risques de pertes de formatage si on utilise un format moins performant.

Un fichier OpenDocument, malgré son extension, est en réalité une archive compressée (.gz ou .zip). Faites une copie de votre fichier, changez son extension pour .zip, puis ouvrez-le avec votre archiveur/compresseur préféré pour en voir le contenu.

Le contenu brut de votre document est dans le fichier content.xml dans un format balisé xml avec des caractères en UTF-8. Les autres fichiers de l’archive contiennent vos styles et votre formatage. Des sous-répertoires contiennent vos images, vos dessins, vos formules et même des vignettes pour la fonction d’aperçu rapide des gestionnaires de fichiers capables de les utiliser. Une fois l’archive ouverte, il est facile d’extraire, par exemple, les images originales d’un fichier.

Il n’est pas habituel d’utiliser cette astuce pour voir le contenu d’un fichier OpenDocument, mais mieux comprendre la structure du fichier explique pourquoi l’ouverture ou la sauvegarde d’un fichier OpenDocument prend plus de temps que la concurrence.

Peut-on et, si oui, comment peut-on installer un dictionnaire d’une langue autre que la langue d’installation de la suite LibreOffice ?

Plusieurs dictionnaires sont installés par défaut; selon la version de Libre Office que vous aurez choisi d’installer (Windows, Windows portable, Linux, Mac OS-X), souvent ce sont les dictionnaires français, anglais et espagnol.

Les versions Windows de LibreOffice offrent par défaut 13 dictionnaires de base ainsi que 57 dictionnaires multilingues ! L’ajout d’un dictionnaire se fait soit avec le gestionnaire des extensions [Menu > Outils > Gestionnaires des extensions > Obtenir des extensions supplémentaires en ligne...], soit en ligne dans le site de LibreOffice, soit avec votre gestionnaire de paquet si vous êtes sous Linux.

Que vaut le correcteur orthographique de LibreOffice ?

Les dictionnaires permettent la correction orthographique; les erreurs de frappe courantes sont rapidement détectées à la volée (la langue est indiquée dans la barre d’état du bas, cette barre contient en réalité des boutons, cliquez-les à gauche ou à droite pour obtenir des menus/résultats différents – c’est valable pour tous les modules de la suite LibreOffice).

S’il vous faut un correcteur grammatical (pour distinguer c’est de ces par exemple), vous aurez le choix entre deux extensions de LibreOffice : Grammalecte4 pour le français seulement ou LanguageTool5 pour plus d’une dizaine de langues dont le français. Sous licence libre, les deux modules ne peuvent pas être utilisés conjointement, il y a incompatibilité et il faut donc installer un seul des deux modules au choix. Si vous préférez une solution commerciale, le logiciel Antidote6 de la société québécoise Druide est compatible avec LibreOffice et disponible pour toutes les plateformes.

Le tableur : quelles sont ses grandes caractéristiques ?

Le tableur Calc n’a pas à rougir de la concurrence, bien au contraire ! Toutes les fonctions des autres tableurs s’y retrouvent et Calc en offre même davantage. Ses possibilités graphiques sont supérieures à la concurrence et l’utilisation des styles de cellules ou de pages lui donnent un avantage indéniable. Calc ne souffre pas de la limite de 8192 discontinuités7 dans Excel et n’invente pas de date (comme le 29 février – sic – 1900). Il offre lui aussi des tableaux croisés dynamiques, nommés « tables de pilotes », parce que Microsoft détient un brevet sur le nom…

Calc permet aussi d’exporter ses résultats dans un document pdf en générant des signets différents pour chaque onglet. S’il sait importer et exporter dans les formats de fichier de la concurrence, son format natif est OpenDocument.

Que sont les extensions ? Quels sont les extensions de LibreOffice qu’il est opportun d’installer ? Y a-t-il des extensions spécifiques pour les entreprises ?

Les extensions sont des fonctionnalités supplémentaires, que l’on peut installer ou non. Plusieurs dictionnaires, par exemple, sont installés selon ce principe. Il y a plus de 120 extensions disponibles à http://extensions.libreoffice.org/. LibreOffice, dans la plupart de ses versions, préinstalle une douzaine d’extensions.

Outre les dictionnaires français, anglais et espagnol, la console de présentation (« Presenter Console »), pdfimport (nous en parlerons plus loin) et le créateur de rapport (pour bases de données) sont des incontournables. Le gestionnaire des extensions est dans le menu « Outils » de LibreOffice, rien de plus simple !

Le panneau d’accueil de LibreOffice permet aussi d’ajouter directement des extensions en cliquant l’icône (mise ici en évidence) de l’ajout de nouvelles fonctionnalités. J’en profite pour signaler que glisser-déplacer des fichiers dans toute zone libre du panneau d’accueil permet d’ouvrir n’importe quel fichier dans LibreOffice, car le bon module est automatiquement sélectionné.

Quelles sont les fonctionnalités de LibreOffice relativement aux documents PDF ? Que sont ces documents PDF dits hybrides et quels en sont les avantages ?

Je crée, manipule et édite des documents pPDF depuis 1997 et j’ai essayé à peu près tous les outils disponibles, propriétaires ou libres. Je ne connais pas de meilleur créateur PDF que LibreOffice ! Mais il faut savoir l’utiliser… On peut exporter vers leformat PDF (préférez le menu Fichier > Exporter au format PDF… plutôt que l’export direct) à partir de n’importe quel module de LibreOffice (de Writer, Calc, Impress, Draw ou Math).

Mais, si vous avez installé l’extension PDF Import (elle est peut-être déjà installée), alors vous pourrez aussi importer un document PDF non verrouillé ou protégé par mot de passe pour l’éditer et même créer des PDF hybrides.

PDF hybrides ? À première vue un PDF hybride ressemble à n’importe quel document PDF et il sera lu sans sourciller dans n’importe quel lecteur PDF, sauf qu’il contient, caché, la version originale OpenDocument qui a servi à le créer et qui demeure parfaitement éditable. L’exemple suivant sera plus clair : vous venez de créer un document avec le traitement de texte Writer, document qui contient peut-être des tableaux provenant de Calc ou des dessins vectoriels de Draw, et vous l’exportez comme pdf hybride (une case à cocher dans le menu d’exportation le permet) dans un fichier nomméexemple.pdf. Le fichier exemple.pdf sera lu normalement par tout lecteur pdf. Mais si vous l’ouvrez avec LibreOffice, la version originale OpenDocument, cachée dans le pdf hybride, s’ouvrira. Vous pourrez l’éditer à nouveau et l’exporter encore une fois en PDF hybride, en PDF simple ou dans n’importe quel autre format.

Évidemment, qui dit version OpenDocument cachée dans un document PDF, dit aussi fichier plus lourd. C’est vrai, mais la lourdeur ne va pas du simple au double et les avantages du format compensent cet inconvénient !

Y a-t-il des logiciels avec lesquels LibreOffice se combine bien ?

LibreOffice est une suite bureautique complète; elle répond à la majorité des besoins de bureautique.

Essayez d’utiliser des logiciels de qualité, qui privilégient des formats de fichiers ouverts, documentés et qui, surtout, seront pérennes. Bâtir sur de telles solutions protège vos données et vous en assure la maîtrise. LibreOffice fait partie de ces logiciels.

Vous devez traiter une image matricielle (comme une photo) pour l’utiliser dans LibreOffice ? Gimp8 est un logiciel libre de très haute qualité pour y répondre.

Vos besoins, en dessins vectoriels, exigent davantage que Draw de LibreOffice ? Essayez Inkscape9, une autre solution libre et gratuite de très haute qualité.

Vos besoins en éditique exigent davantage que Writer de LibreOffice ? Scribus10 est un éditeur PAO de qualité professionnelle libre et gratuit.

Le monde des logiciels libres et gratuits est étonnant et inspirant. L’Internet n’existerait pas sans l’apport des logiciels libres. Et cette liberté existe depuis 1985 !

1 Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/OpenDocument

2 En rédaction de texte il n’existe, à ma connaissance, qu’un seul logiciel qui soit totalement indépendant des périphériques de sortie : LaTeX [voir https://fr.wikipedia.org/wiki/LaTeX]. Le processeur documentaire LyX [http://www.lyx.org/WebFr.Home], qui utilise LaTeX en arrière-plan, offre aussi cette indépendance avec une courbe d’apprentissage moins élevée.

3 Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/OpenDocument.

4 Voir http://extensions.libreoffice.org/extension-center/grammalecte.

5 Voir http://extensions.libreoffice.org/extension-center/languagetool.

6 Voir http://www.druide.com.

7 Voir http://zonelibre.grics.qc.ca/spip.php?article251

8 Voir http://www.gimpfr.org en français ou le site officiel à http://www.gimp.org.

9 Voir http://inkscape.org/?lang=fr.

10 Voir http://www.scribus.net.

 

Raymond Ouellette
Conseiller en logiciel libre
Centre d’expertise en logiciel libre (CELL)

Source : Questions sur LibreOffice, Interview de Raymond Ouellette, par François Huot, parue dans Logiquelibre le 29 février 2012.

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Déjà le Cégep de Rimouski a adopté LibreOffice. Plusieurs autres établissements pourraient souhaiter opérer une transition vers LibreOffice.  Nul doute que la Formation de formateurs pour faciliter la migration vers LibreOffice de Raymond Ouellette pourra jouer un rôle utile.

« La formation s’adresse à des personnes qui ont une connaissance minimale d’une suite bureautique. Elle ne cherche pas à montrer toutes les possibilités de LibreOffice, mais plutôt comment l’aborder en évitant les habitudes héritées de la concurrence. D’une durée de 7 heures, l’information présentée est assez dense : il est donc préférable d’étaler la formation sur deux journées différentes (mais consécutives — par exemple une après-midi et une avant-midi).

LibreOffice ressemble à la concurrence, à son avantage mais aussi à son désavantage. La ressemblance fait que les usagers abordent LibreOffice avec les réflexes de la concurrence, passant à côté de l’essentiel de la suite libre dont la logique est fort différente des autres suites.

On lit souvent, dans l’Internet, que LibreOffice peut réaliser x % de ce que sait faire la concurrence, j’ignore, dit Raymond Ouellette, d’où provient cette fausse prémisse. LibreOffice est si riche que plusieurs de ses fonctions n’existent même pas dans la concurrence : souvent non intuitives mais simples à appliquer, on ne peut pas les deviner sans formation (ou lecture) minimale. »

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